Gréement
Des plus hauts sommets, minuit tombe à pic comme
un mensonge de lune blanche sur l'ombre des coeurs
roussis à gréer longtemps leur dimanche.
Alors des profondeurs du ciel, s'entrouve
un immense feuillage d'oiseaux qu'on ne voit bientôt plus.
Mais l'instant a suffi pour verser dans le coeur
du
dormeur le souvenir d'autres qui furent.
Immense volière à jamais blottie dans le silence,
vision sublime comme un coup de fusil que le poids
du songe fond en éclair !
Pierrots
Comme du fond d'un puits où l'on continue à voir
briller les étoiles, le matin remonte de l'enfance plus
noir que la nuit.
Car aujourd'hui, comprimé, il ne peut
s'étendre qu'à
travers des rayons meurtris dans un grand incendie de brume.
Des nuages de confettis morts pleuvent
jusqu'au
soir où d'étranges pierrots, échappés de la fête, dans
une immense jachère de lèvres, attendent l'heure qui
les couvrira de cire, les violons de la nuit faisant cercle.
Compartiment
On a joué toute sa vie à guichets fermés.
Mais à présent le temps pose son écriteau :
saisons à vendre.
L'espacement des barreaux du ciel
Creuse la faim comme un jour sans cage
A qui cerne son sang
Dans les marais de sa jeunesse.
Sur des ponts d'aube on glisse en chemin de fer
Quand la fumée éteint le jour,
On croit rêver
Mais on roule sans cesser d'être mort
Dans une grande catastrophe d'épis rouges
qui fond le ciel
sur le ballast.
Les bas côtés ont fui le regard,
Des flammes y tracent à travers la portière
un
long trait d'hébétude.
En écoutant attentivement on perçoit
Dans le rythme assourdissant
Venu de très loin
Comme un écho de la générale
Qui se déchire
Tout au long d'un mur de vitesse
Et décélère
Quand on approche
La grande gare.